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###### tags: `Faire École Ensemble` `conférence` 'saturation' :::warning Ce document est contributif. Pour l'éditer vous pouvez passer en mode édition : **<i class="fa fa-edit fa-fw"></i>**/**<i class="fa fa-columns fa-fw"></i>**. Si vous n'êtes pas à l'aise avec la syntaxe markdown, ce [tutoriel](https://pad.faire-ecole.org/utiliser-codimd) est à votre disposition. ::: # Conférence : désaturons nos vies et nos villes ![](https://hot-objects.liiib.re/pad-faire-ecole-org/uploads/upload_a8b30b273560b193c8c2c354201b2e4d.png) ## 1- À propos Nous avons le plaisir de vous convier à un échange virtuel autour de l’ouvrage "Saturations. Individus, collectifs, organisations et territoires à l'épreuve" le 3 décembre 2020 de 18h à 20h. Quels sont les risques de saturations des temps, des espaces et des parts de cerveaux disponibles ? Quels impacts sur la santé, les organisations, les territoires et la démocratie ? Quelles formes d’adaptations et de résistances ? Comment habiter ces saturations ? Où sont les fêlés et les fêlures qui laissent passer un peu de lumière ? Peut-on simplement penser politique et espace public sans écart ? Face aux exigences de réduction des risques et de mise en garantie des qualités urbaines, comment penser les marges de manœuvre et d’appropriation ? Quelle place pour la création, le lâcher prise, la rencontre, la non-organisation, les émergences et les joyeux « désordres » ? Ce sont là quelques-unes des questions abordées l’ouvrage et qui entrent en résonance avec l'actualité de la pandémie : "saturation" des hôpitaux, "saturation" de l'attention, "saturation" des imaginaires (...) mais aussi stratégies de "désaturation", étalement des réponses dans l'espace et dans le temps et réalité des vides et des vacances urbaines à l'heure du confinement (...) Manola Antonioli, Nelly Desmarais, Guillaume Drevon, Marin Dubroca-Voisin, Luc Gwiazdzinski, Janet Hetman, Francis Jauréguiberry, Vincent Kaufmann, Luca Pattaroni, Will Straw, Philippe Vidal <center> ![](https://hot-objects.liiib.re/pad-faire-ecole-org/uploads/upload_bd8ff92da69e3dd916875e6d87719d46.jpg)</center> :::success **Sommaire** : [TOC] ::: ## 2- Prise de notes ### Contributeurs de la prise de notes * Benjamin ([Faire Ecole Ensemble](https://wiki.faire-ecole.org/wiki/Association_Faire_Ecole_Ensemble)) * Philippe Vidal * et plein d'autres ### Introduction * **Luc Gwiazdzinski** : Sur cette question de saturation de temps et de rythme. Nous sommes partis sur poser ensemble la question d'espace et de temps. En terme de prospective, de géographie, la question du temps est peu prise en compte. Piste fournie par les collègues italien autour de la chronotopie. On est plusieurs à avoir participé aux bureaux du temps, des plateformes en lien avevc les universités avec lesquels on a expérimentés des dispositifs. Nous avons rapidement que l'approche très technique de la chronotopie montrait des li mites en termes de ressenti, de sens et d'émotion. L'approche à travers le corps et l'art est importante. Egalement sur l'espace public. Il y a eu un colloque sur les appropriations créatives et techniques. En conclusion du coloque : ne participons pas d'une certaine façon à une forme de saturation On y a passé 2 jours, 1 nuit. On était fatigué et ce terme est arrivé sur la table. Terme avec des qualités heuristiques. Dans une approche interdiscplinaire, nous avions également invités des artistes et jeunes chercheurs pour le colloque de Lausanne. Suite à ce colloque, nous avons écrit un livre, *"Saturations"* qui réunit une 20aine d'auteur dont la plupart étaient présent à Lausanne. Nous sommes passés d'une définition classique de la saturation (degré à partir duquel il y a rupture) à celui (degré à partir duquel autre chose devient possible). Du négatif au positif. * **Vincent Kaufmann** : Idée d'inversion des saturations. Notre livre prend une certaine actualité avec la pandémie. Sorti en février 2020, il a été englouti par la vague de la pandéme. Cette situation qu'on vit jette un regard nouveau sur la question des saturations. Les objets nous donnent un rapport à l'espace un peu ubiquitaire et un peut-être un effet de stress permanent. Ce qui nous a frappé sur la période actuelle. Finalement, assez largement, on assiste à une sorte d'inversion depuis le début de la pandémie. Quand on parlait de saturation, on parlait beaucoup de l'espace public : rue, grands magasins, transports en commun, des voies routière. La saturation a aujourd'hui investi notre logement. Le logement était un espace de repli, depuis le confinement, le logement accueille toute sorte d'activités, on y travaille, on y a nos loisirs à distances, on se retrouve tous les membres du ménage tout le temps. En résulte une saturation de l'espace privé et révèle des inégalités multiples (sociales, genre, etc.). Alors que c'était un espace pour se retrouver, se resourcer, depuis le début du printemps, c'est peut etre dans la rue vide. Ce qui donne la possibilité d'une flanerie et d'un renversement urbain. N'y a t il pas quelque chose a en tirer pour l'aménagement urbain ? Bascule des saturations. L'espace public investi l'espace privé. Regard différent à porter sur les politiques urbaine ? de Logement ? Que vont devenir les politiques actuelles d'urbanisme tactique ### Mandla Antonioli, Décélération individuelle et démobilisation collective * **Manola Antonioli** : le point de départ était la saturation des espaces et des temps. Processus de désaturation organiser. Cette réflexion sur la saturation s'inscrivait sur le sens de l'appropriation collective des espaces et des temps. Je reviens sur la préface d'Yves Citton du livre : l'espace urbain est depuis l'origine de la ville industrielle un excès de perception qui porte une forme d'effet d'anesthesie. Ces effets de saturation n'ont fait que s'accroitre, portant les problèmes d'écologie de l'attention. Sujet également de recherche de Bernard Stiegler. Réflexion de Citton permet de sortir des dichotomies faciles : la vitesse c'est mal, la lenteur c'est bien. Discours actuel sur la vie à la campagne. Il ne s'agit pas de refuser la saturations mais de les maitriser indivuellement et collectivement. Je m'inquiètre de ce discours de refus de la ville. Alors que les campagnes peuvent être ennuyeuses et pas toujours intellectuellement stimulantes. Il fait également une typologie une saturation subie, choisie et infligée. Actuellement c'est infligé, forcé d'être devant les écrans. On gagne du temps de déplacement qui est resaturé par des conférences et réunions en ligne multiples. Le néolibéralisme peut être considéré comme une promotion de la saturation infligée. Mais individuellement on peut choisir la saturation, ce qui n'est pas un problème. Mon entrée était le philosophe Sloterdijk sur l'accélération dans un ouvrage de 1989. C'est un phénomène introduit par la modernité pour des raisons économiques bien connues, une mobilisation planétaires. * **Guillaume Drevon** : cet ouvrage permet d'interpeller et d'ouvrir d'autres questions sur la saturation. Je vais interpeller les auteurs sur 2 questions : * Pourquoi vous êtes vous intéressé à la saturation ? * Qu'en tirez vous dans le cadre de la crise de Covid-19 ? #### Marin Dubroca-Voisin, Gestion des saturations dans les gares ferroviaires * **Marin Dubroca-Voisin** : thèse en transport à la SNCF et dans le laboratoire LVMT où la saturation est bien connue et notamment dans les métropoles? Pourquoi la saturation est-elle venue si naturellement ? La saturation est rapidement devenue physique, on est entassé dans des RER, des trains, des gares. On retrouve dans les trains et les gares, une saturation infligée, subie, pour se rendre au travail, effectuer des activités. On voit cela comme un problème qu'il s'agit de régler. C'est un sujet sous estimé chez les opérateurs ferroviaires, on ne l'approche pas par les sciences humaines. C'est un problème auquel on trouve des solutions techniques (agrandir les gares..) Il y a une chose contre laquelle on doit lutter : c'est une volonté de la coercition. Quabnd on se retrouve au sein d'un système de transport,l'opérateur de transport veut maitriser son système. Il veut forcer des gens à ne pas venir ou à se disperser en cas de saturation. On voit ca en cas d'incident, on voit ça pendant les grèves, avec des files d'attente massives. Quand on essaye de coller un système technique avec une solution technique dans les gares, on arrive pas à distinguer un flux et une foule. Entre les 2, j'ai créé une notion de FLOUX, le FLOUX est le moment d'hésitation pour savoir si on est dans le flou ou le flux, c'est une notion qui est une insulte à la technique. La technique ne peut pas détecter le Floux, c'est un humain qui peut le détecter et apporter une solution. La notion de flux permet de s'approprier le thème, de réimpliquer les voyageurs. Un des outils présentés dans l'ouvrage, c'est comment chaque acteur va contribuer à définir un fonctionnement pour la gare. C'est un premier pas pour la façon dont on va s'organiser dans les gares, quelles concessions à faire, il faut arriver à quelque chose de négocier. Cette volonté de concertation un peu outillée, c'est une des premières réponses à comment on passe d'une saturation infligée à une saturation choisie. * **Guillaume Drevon** : Ton travail fait le pont entre le technique et le souple. ### Philippe Vidal, la Smart City au risque du burn-out * **Philippe Vidal** : Bonjours à tous, à Guillaume, Luc, Lucas et à tous les organisateurs. Pourquoi s'intéresser aux saturations ? Car on m'y a invité. C'est un sujet avec un de mes sujets : le numérique, numérique territorial en particulier que je travaille depuis 20 ans en tant que géographe aménageur Le numérique a réalise une insertion douce sur les territoires, une insertion douce et lente, notamment dans les dix premières années. A ce moment on ne parlait pas de saturation. Depuis 2000, on a assisté à une irruption de saturations, plus la ville était grande plus les saturations étaient présentes. On a tous été témoin de cette irruption depuis 2017-18, notamment avec les Uber Eats, le free floating (trottinette). Une irruption qui a bousculé beaucoup de choses sur son passage, qui a modifié l'urbanité, modifié la façon dont on vitla ville, aujourd'hui il y a des villes googlisées, des villes qui se sont plateformisées. Finalement on arrive à un constat que la smart city telle qu'elle se pense aujourd'hui et aussi les prescripteurs privés, cette smart city se développe au risque du burn-out urbain. Ca abime la ville physiquement (ex: trotinettes jetées dans le port, etc. c'est lié au numérique). Ca change l'ambiance urbaine, on se sent en surveillance h24, Les données deviennent un enjeu sur la privacy, il y a aussi le RGPD.Il y a une ambiance urbaine qui change, au nom d'un certain nombre de valeurs, comme la rapidité. Il y a saturation car il y a accelération technique : 3G , 10ans, 4G, 10ans et la 5G ça sera 10ans. Techniquement, il peut y avoir une forme de saturation. D'ailleurs, il y a de plus en plus d'électro-sensibles qui quittent ces villes, car ils subissent ces ondes physiquement, ils ressentent cette saturation de manière physique, dans le langage prospectif : signaux faibles. On distingue aussi une saturation de la maîtrise publique de ce qui se passe sur le territoire. C'est la première fois qu'une technique modifie le rapport de l'acteur public sur le territoire, le politique perd la main sur ce qui se passe sur son territoire ce qui constitue une forme de saturation. Il y a une dépendance sociétale au numérique. Il y a une dépendance sociétale à tous les niveaux, encore plus dans le contexte de crise sanitaire, on ressent cette dépendance et on s'en accoutume. La question se pose dans des sociétés de vie à faible mobilité, on se défait de la dépendance automobile mais certainement pour l'investir dans la dépendance numérique Je retiens la nécessaire reprise en main publique sur l'urbain à l'heure du numérique. La smart city pourrait être l'élément de reprise en main du public sur ce qu'il se passe dans les villes, notamment à l'heure du numérique. Il y a un oubli public en direction des plate-formes, par exemple sur le tourisme ou la santé. On est sur des logiques où le privé a pris des responsabilités. Enjeux de réappropriation de la force public sur la fabrique de la ville. 4 scénarios à éviter pour l'avenir : * Un scénario à la chinoise à éviter : acceptation des restrictions des libertés au motif qu'on les protège (CCTV, reconnaissance faciale) * Le modèle dérégulé permettant aux plateformes ou aux géants du numérique d'accroître leur avantage en termes d'accès aux données (comment faire pour désaturer cette tendance-ci). * Un scénario un peu plus vertueux : l'open-innovation des communes urbaines, qui s'appuient sur le numérique pour placer l'homme au coeur de l'innovation, pour en faire quelque chose de plus vertueux. * Scénario frileux, de la méfiance vis-à-vis du numérique : pourrait se faire mais au détriment du potentiel d'innovation du numérique, prise de risque minimal vis-à-vis du numérique car justement on a peur d'aller vers ce burn-out urbain. ### Mischa Piraud, Asphyxies urbaines On est arrivé à cette question là, en étudiant les questions de la place ambigue de l'art et de la culture dans la production urbaine. dans le cadre du laboratoire de sociologie urbaine de l'EPFL. Forte contradiction entre le discours sur la transition urbaine et celui de l'art. Tous les acteurs de la culture étouffaient et ne semblaient pas profiter de la tendance de la valorisation de l'art dans la transition urbaine. Au contraire, les enquêtes montraient bien les possibilités de tenir en ville pour les créatifs et les artistes. Rester en ville c'était ce qui les engonçaient dans des réseaux de contraintes. Le 1er ordre de contraintes, c'était la **contrainte marchande**. Tout espace est marchandisé : atelier, espace d'art. Il n'y avait pas d'accès à l'espace urbain qui n'éait pas marchandisé. Sans parler de la partie de reproduction de la force de travail, qui impliquait aussi des contraintes de cet ordre-là. Par contre, on a vu aussi que les artistes qui étaient bien impliqués dans le marché de l'art et dégagaient des revenus suffisants, cela ne posait pas de problème cet accès à l'espace urbain. L'art est aussi un marché. Pour tout artiste non reconnu ou n'en a pas récolté le fruit sur le marché de l'art, ca posait des problèmes d'accès l'espace. Bien qu'il existe des lieux accessibles, des subventions. C'est là que se manifestait un second ordre de contraintes, qui sont les **contraintes réglementaires** : dossiers à remplir... Le terme de saturation se prêtait parfaitement à penser ces observations. Cette façon dont nos actrices et acteurs se dépatouillaient avec cette double contrainte. Au début, je me méfiais de la dimension métaphorique de ce terme. Mais il fonctionne bien. Espace public, au sens Habermassien, saturé. ### Will Straw, Figures de la saturation urbaine Ni urbaniste, ni francophone mais en intéret pour la saturation du fait de mon intérêt pour la culture matérielle dans la ville (objet, chose) et des médiums. La ville est-elle un médium ? La ville en tant que lieu de stockage, machine. La ville en tant que "container"/contenant Résidus, traces, surtout de la production culturelle : puces, magasins de charité qui sont des lieux de convergences d'accumulation de la ville saturée. Références qui ont servi de base à l'article rédigé dans le livre : Longue description par Karl Marx de la population ... des villes. Liste de Max Weber qu'on trouve dans les villes: vitrines, café, cheminés d'usine, réverbères, salles de concert. Abondance, saturation. Je joins un intéret que j'ai depuis plusieurs années pour les figures cinématographiques qui incarnent la diversité sociale : les foules, les masses. La saturation de la ville par la variété sociale Dans le cinéma, la saturation sociale de la ville, par la diversité humaine, donne une image de la ville fragile, menacée, au bord de l'effondrement. D'où mon intérêt pour le concept de saturation. ### Nelly Desmarais Au moment du colloque de Lausanne, je travaillais à un Mémoire de maîtrise sur l'écriture de la ville C'est vous qui m'avez influencée et intéressée à la question de la saturation, au départ. Le texte que j'avais présenté réflechissais à l'écrire en milieu urbain, dans le contexte de l'accélération. La nécessité en création d'un regard sur le monde qui passe par une certaine lenteur, qui est aussi la lenteur de l'écriture. Je parlais d'importance de ralentir ou approfondir le regard pour être attentif à l'environnement qui nous entoure mais aussi à soi. La préface de Citton va au-delà de la dichotomie entre la position qui dit que la saturation est male et la position contraire. Ca m'a beaucoup aidée à aller plus loin dans mes réflexions et la nuancer. L'expérience de cette sollicitation constante dans nos vies et nos quotidiens, a aussi un charme, une forme d'envouetement dont il est difficile de s'extraire, même dans une période où tout est en pause, comme le confinement. Même si on a parlé d'une désaturation de l'espace urbain, on a eu l'impression que la saturation perdurait. Ce paradoxe m'interpelle et fait l'objet de réflexion actuellement La façon dont j'ai envie de poursuivre cette réflexion amorcée avec vous, c'est, si je reviens à la création littéraire, en montrant comment on peut opérer des aller-retours plus lents dans le quotidien, l'environnement. Ma réflexion est toujours en mouvement. Je suis contente d'être ici pour continuer d'y réfléchir avec vous. Mon constat, c'est que si on veut installer dans notre ville - en tant que créateurs - un espace où la construction d'un espace littéraire est attentif face au monde, on ne peut pas le faire en rejetant totalement les nouvelles réalités médiatiques, numériques et perceptives. Le plus important est de réflechir à comment cela change nos réalités plutôt que dire si c'est bien ou mal. ### Théodore Zeldin, historien anglais, auteur des « passions françaises » Je n'habite ni la ville, ni la campagne, j'habite le monde entier, je n'habite pas seulement ce temps, ce siècle mais j'essaie de m'entretenir avec les morts en tant qu'historien. Je trouve que cette extension de mon regard me donne une meilleure idée de ce qu'est la vie. Pour moi, le but de la vie, c'est de découvrir ce qu'est la vie. Et ensuite, de dire si l'expérience qu'on a collectée peut susciter, quelque chose que la vie ne contient pas jusqu'à présent. Vous savez comment Einstein à dit il y a un siècle ? Einstein a dit que le temps est une illusion. Passé, présent, futur : c'est une illusion. Je ne sais pas comment faire entrer cette attitude dans ce que vous dites. Parce que je cherche à permettre au passé et l'avenir de dialoguer entre eux. Compliquer la vie, les possibilités de l'existence. Ce qui me manque, dans ce que vous dites, c'est que l'étape suivante, c'est de m'entretenir avec tout ce que je ne connais pas : la nature, les plantes, les arbres, mais aussi l'océan et tout ce qui se passe sous les océans, où il y a une civilisation que l'on ne connait pas encore. C'est là où la technologie peut nous aider, pour comprendre comment les autres espèces existent. Nous ne sommes que des brigands qui viennent détruire la terre en négligeant les intérêts des autres. A la campagne, le temps va lentement. Ca m'intéresse de voir comment vous réagissez à cette attitude envers la vie. Ce qui m'intéresse, ce n'est pas la création, mais la co-création, c'est-à-dire le fait de mettre des types de personnes, des existences ensemble, qui ne sont pas d'accord. La saturation est pour moi très difficile, mais aussi très excitante. Il y a les deux. Dans mon bureau, j'ai du mal à retrouver mes notes, mais j'ai beaucoup de plaisir à lire toutes sortes d'articles dans des domaines dont je ne suis pas spécialiste. Merci de partager avec moi ce qu'il se passe dans vos têtes, ça m'intéresse beaucoup. * **Guillaume Drevon** : La question du non-humain. ### Echanges * **Rémy Léger** : étudiant au master urbanité de l'université du Havre. Aujourd'hui, en habitant la ville, on a l'impression que ça va très vite, ça génère énormément de stress. Une question qui va plutôt tourner autour de la culture : Est-ce que réintroduire des éléments culturels, des espaces, des lieux de création, ça peut permettre d'avoir un phénomène de ralentissement dans le quotidien des habitants de l'espace urbain ? * **Luca Pattaroni** : si on repart de la définition chimique, la saturation c'est le moment où l'addition d'un nouveau composant ne change pas un équilibre. C'est un moment où il n'y a plus d'ouverture à la différence. Plus d'ouverture démocratique, ni de la pensée. Désaturer, c'est aussi pouvoir accueillir ce qui est étranger. Amène aux réflexions sur le non-humain, toutes les choses avec lesquelles on va composer et sur lesquelles on ne compose plus. Notre volonté de penser la saturation, c'est réouvrir les espaces de dialogue et d'accumulation heureuse. Sur la culture, la possibilité de retrouver des marges de manoeuvre, de trouver des espace de culture, de création pour produire des troubles, des différences. Si vraiment quelque chose qui nous trouble, nous interpelle.. * **Mina Marina Lafay** : sociologue, élu à la mission des temps de la ville de strasbourg. J'ai commencé ma carrière par de la sociologie rurale. Je voudrais apporter de la nuance : dans les zones rurales, il y a aussi des temps d'accélération (culture, naissance d'animaux). Les gens sont pressés aussi (Il faut arriver avant la nuit, il faut arriver avant la fin du marché, etc.) Il y a des saisons où les choses vont plus lentement, et des saisons où il y a des moments d'accélération. Attention à la dichotomie entre urbanité et ruralité. * **Guillaume Drevon** : Je voudrais réagir. Il y a la question de la paysannerie. Je suis issu du milieu rural et fils de paysan. Il y a cette idée que, d'une part, ce sont des métiers denses et accélérés, et il y a ce lien entre ce qui relève du rythme du cosmos et du quotien. * Les technologies nous ont permis de nous affranchir du rythme du cosmos. On s'est 'affranchis', on a perdu ces rythmes-là. * **Aloys Mützenberg** : étudiant en M2 à l'EPFL, écrit son mémoire sur le thème du Flâneur sous la direction de vincent Kauffman. Lié à la question de foule et de la concentration J'avais envie d'intervenir sur la question de la vitesse de la qualité de la lenteur ou au contraire de l'accélération. J'ai eu une discussion avec des cyclistes qui sont passés au vélo électrique, qui se sentent moins menacés par le trafic, par exemple. La question n'est-elle pas une question de "vitesse qualitative" ? Le rapport entre les gens, entre les gens qui se déplacent, et ce qui se passe autour nous. * **Manola Antonioli** : en accord avec cette question de différentes vitesses. Ce qui m'inquiete de plus en plus c'est un phénomène de "droitisation du débat écologique terrifiant, le retour à la terre, l'éloge de la lenteur me parait un aspect parmi d'autres de la droitisation. Ce qui m'inquiete c'est la tendance colibri, frugalité heureuse. Ca commence à devenir lourdingue dans les études d'architecture, par exemple. Je ne citerai pas de nom mais tout cela me terrorise. A la fin, on se retrouvera ou bien avec des macroniens ou bien avec une bien-pensance écologico-chiante dans lesquelles on nous dira ce qu'il faut faire. Ce discours extrêmement dichotomique, est idéologiquement inquiétant. Par contre, les combinaisons de vitesse, les questions de ryhtme, etc. me paraissent passionnantes. * **Guillaume Drevon** : Vers quoi on va en termes de mobilité ? * **Vincent Kaufman** : Je crois que la mobilité par rapport à la saturation. Dans le cas de la suisse, depuis une décennie, pendularité de longue distance (50-100km entre domicile et travail). Plus c'est loin et plus on y va en train. Ca génère des phénomènes paradoxaux D'une part des personnes qui prennent le train sur de la grande distance ont le sentiment que c'est plus apaisant que la voiture, le sentiment de disposer de son temps (ordinateur, lecture) plutot que la conduite d'une automobile sur une route saturée. Mais d'un autre côté, ca a des effets globaux de saturation ferroviaire, on se demande par exemple si on ne va pas doubler l'offre ferroviaire à l'horizon 2030-2040. L'expérience de ne plus avoir de mouvements pendulaires pendant quelques mois, ne vont-ils pas cesser de le faire et de travailler à distance, ne va-t-il pas y avoir d'autres effets (saturations des logements notamment) ? * **Luca Pattaroni** : la réception des pressions rythmiques sur le logement. Nous entamons une enquête sur le chez soi dans un monde en mouvement. 2 grandes figures : Réactivations par le logement. Le logement devient un "hub actif", connection hautes vitesses, appareils connectés, etc. Et à l'inverse des personnes qui vont acheter de la peinture pour éviter les ondes, mettre de l'encens pour faire barrière, ne pas supporter le bruit, etc. Réaménagements, prises de distance pour retrouver une forme d'appropriation. * **Nicolas H** : "les sociétés européennes sont-elles prêtes à voir, à l'instar de métropoles asiatiques, des éléments urbains comme des trottoir pour utilisateurs de smartphone ? Au final, est-ce que cela n'engrenge pas plus de saturation dans l'espace urbain" ?" * **Philippe Vidal** : quand j'ai visité New York en 2018, j'ai observé le déploiement des totems numériques urbains (4000 LinkNYC dans les 5 borough de la ville) pour les sdf, les hommes d'affaires qui pouvaient recharger leur téléphone. Ca saturait totalement les trottoirs, il y avait aussi des effets rebonds sur l'occupation temporaire des trottoirs avec notamment des sdf qui se branchaient en permanence aux dispositifs Cela a entrainé des opposant aux LinkNYC. Notamment en raison des enjeux autour de la privacy, la data, etc. * **Déborah Feldman** : Doctorante en 1e année Paris Nanterre, de formation architecte. Thèse en architecture et anthropologie. Je m'intéresse à l'espace domestique contemporain. Etudiez-vous également les formes d'habitation qui se trouvent à la limite entre le travail et le repos. Ex, le co-living, le co-working. Mélange entre vie productive et reproductive. Avez vous des référence sur la sanctuarisation VS l'activation du logement. * **Fiona Del Puppo** : Architecte doctorante. Sur les questions sanctuarisation VS réactivation du logement. Références : *Disparaitre de soi : une tentation contemporaine* de David Le Breton, ainsi que *La fatigue d'être soi* et *Le culte de la performance* d'Alain Ehrenberg. Ces livres parlent de la pression qui s'exerce sur les individus. Les sujets que j'ai commencé à développé dans une enquête qualititative, auprès de gens qui ont des stratégie très marqué de sanctuarisation ou d'activation, ceux qui travaillent chez eux, avant le confinement), parmi eux Artisan, designers, youtubeurs qui utilisent leur logement comme lieu de travail et domicile au même temps. * **Mustafa Akalay** : je suis à Fès. Face à cette saturation peut-on parler de la medina comme symbole de résilience. Pendant les 4 premiers de confinement, il s'est avéré que la medina résistait mieux que les faubourgs, la ville nouvelle. -Interruption de connection- * **Luc Gwiazdzinski** : Mustafa Akalay, professeur à l'université de Fès. Plus grande médina du monde arabe Prend la parole pour compléter. Fès est la plus grande médina du monde arabe, une forte densité,la contamination du covid a été moins Le confinement a été vécue différemment dans la médina. * **Mustafa Akalay** : crise économique dans la médina, commerces fermés, il n'y a plus de tourisme, par contre en termes de résilience, la medina s'est avérée je crois que les urbanismes marocains devront pratiquer un urbanisme de réparation et revenir à ce modèle, ce prototype , d'urbanisme islamique, bien que labyrinthinque, n'est pas saturé. Il ne s'agit de reproduire à l'identique, mais réinterpréter la médina, peut etre l'avenir dans les pays du maghreb, c'est une ville qui n'est pas saturée. * **Xavier Schramm** : On vit une drôle d'époque, ou une "espèce d'époque" comme le dit Georges Perec. Les espaces publics sont désertés par le télétravail et paradoxalement, on est tous saturés. C'est quelque chose de paradoxal et assez étrange d'être tellement saturé alors que la situation - entre autre sanitaire - nous oblige à un ralentissement dont certains s'effraie. C'est un peu bizarre. Moi-même, je n'ai jamais autant travaillé, alors qu'on est dans un ralentissement général. Je suis géographe de formation, mais aussi responsable d'un port de plaisance en Alsace. On a eu une activité en juillet-août assez chargée, bien que ralenti (?). Le temps dédié aux vsioconférences, zoom etc nous fatigue davantage que l'activité dense. * **Manola Antonioli** : je fais le même constat que vous. Les conditions de travail sont beaucoup plus frustrantes, faire cours en visio est beaucoup plus désagréable que faire cours dans un vrai amphithéâtre.Des mécanismes pervers se sont mis en place.Le temps libéré par le fait qu'on a pas de temps de transports est immédiatement saturé par des connexions. * **Abdellah Moussalih** : urbaniste, prof à tatouan (Maroc) : Pendant la pandémie ya enormement de types de saturation, que ce soit médiatique anxiogène qui ont installé une angoisse auprès des population. Mais une saturation positive : une solidarité citoyenne qui a fait figure d'une certaine inventivité, sur le web mais aussi dans certains espaces partagés (ascenseurs par exemple) Distinction entre temps politique et temps polémique : réaction aux décisions du gouvernement et le citoyen qui devient un véritable acteur. vers la fin du confinement on assiste à une saturation de l'espace public qui pose probleme de propagation de contamination aujourd'hui. Figures de saturations dans tous ses états, avec des particularités socio-culturelles, qui préfigurent comment les gens ont vécu le confinement et été mis à l'épreuve pendant cette pandémie. ### Conclusion * **Lucas** : la saturation à avoir en partie, sur cetet question du subi, un horizon négatif de souffrance ou d'oppression. Un des points de départ c'était reprendre de manière contemporaine la question de l'aliénation, ce qui nous rend étranger à nous-même. La saturation a aussi avoir avec des formes si ce n'est heureuse, mais en tout cas des positivités qui peuvent être liées à l'accélération ou à d'autres formes d'accumulation. Cf. Perrec : le moment où l'accumulation des objets cesse d'être une satisfaction mais devient une aliénation Un trop plein, un trop plein de flux, d'information. L'accumulation est aussi condition de l'émancipation, la possession qui va nous fortifier dans nos routines, nos habitudes. Le manque est d'une source d'aliénation mais le trop plein également. Moment de renversement quand la promesse de jouissance devient étouffement. C'est un moment de renversement quand la promesse d'intelligence, devient source d'épuisement. la promesse d'intelegience devient source d'epuisement et d'etouffement, la justice par la règle devient un étouffement réglementaire. La saturation se tient dans ce moment de renversement Ca a pour conséquences : Une pensée de l'ambivalence, cela a été rappelé à maintes reprises, on a besoin des accélérations l'intensité urbaine nous rend plus intelligent mais en même temps, ambivalence. Une pensée de la diversité des formes de la saturation : fonctionnelle, cognitive, spatiale, etc. la saturation nous permet de circuler dans des phénomènes différents. Cette capacité de passer de l'un à l'autre est hyper importante. Cela a été dit, il nous faudra aller au-delà des dichotomies : de l'opposition urbain / rural, logement collectif/ maison individuelle, etc. Les aliénations, oppressions se rejouent et cela pose la question des rythmes. Si on n'arrive plus à digérer, comment on retrouve une maîtrise face à ces cumuls ? Ca ouvre la question sur le rythme. * **Guillaume Devon** : ouvrage à venir qui défend une politique des rythmes. Accumulations de différents niveaux : face à une multitude, de manière holistique, de différentes echelles spatio-temporelles, d'éléments, de forces qui mènent à la saturation. Une politique des rythmes qui se déploient à différentes échelles Cette question rythmique pose la question de la politique de régulation, sous différentes formes : contrôles, maitrise des risques, etc. Politique de la décélération, pour ralentir la machine qui maitrise la nature et les capitaux productifs. Cette idée fait débat depuis une dizaine d'années (SLow food, slow cities, etc). La proposition pour une politique des rythmes est plutôt soucieuse de trouver des bonnes chorégraphies rythmiques entre les matières, les personnes. 3 grands axes d'une politique rythmique : * Idiorythmie : Comment on retrouve de l'autonomie, comment on donne aux personnes la possiblité de s'émanciper. * La synchronie : faire à nouveau société à travers des communs temporels qui prennent aussi place dans les espaces publics pas seulement dans les reseaux sociaux. Reprendre le temps de s'organiser, des temps de débat et d'idées. * L'eurythmie : la chorégraphie qui relève de l'humain et du non-humain * **Théodore Zeldin** : Je trouve que cette discussion est urgente car nous sommes confrontés à une crise énorme : c'est-à-dire la crise de la démocratie (aux USA, en Grande-Bretagne). La civilisation occidentale est menacée. Il est difficile de parler dans les villes et ailleurs, car il y a toute cette haine nous empêche. Pendant des siècles, les religions ont dit "on doit aimer son prochain", l'amour c'est la source qui va nous sauver mais la haine se développe dans la peur de dire ce que l'on pense. Or la démocratie demande à ce que chacun puisse développer sa pensée. L'architecte Foster à Londres m'a interpellé sur cette question : Comment répondre à ce problème par l'architecture ? Comment peut-on lier l'architecture au besoin de comprendre ce que pensent les autres. Voir la proposition à la biennale d'architecture Corée du Sud. Si nous perdons la possibilité de parler librement à quoi bon toutes ces discussions ? * **Guillaume Drevon* Retenons de Théodore Zeldin que l'amour nous sauvera ! <3 Pensez-y ## 3- Ressources * Disparaître de soi : une tentation contemporaine, David Le Breton * La fatigue d’être soi, Ehrenberg * Séminaire « rythmologie » (voir site msh Alpes) mardi 8 décembre à 11h avec une conférence d’olivier Soubeyran « rythmes et improvisations » * Biennale architecture Corée du Sud ![](https://hot-objects.liiib.re/pad-faire-ecole-org/uploads/upload_1448bad15016d37e1d2846ed8fa3c79d.png) ---------- Ce document est régi par les termes juridiques de la [licence Creative Commons BY-SA 4.0 ](http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/) <center> <img src="https://mirrors.creativecommons.org/presskit/buttons/88x31/png/by-sa.png" width="250px">